Se disputer avec son conjoint est bon pour la santé, selon une étude américaine. Les couples qui ne parviennent pas à exprimer leur colère auraient un taux de mortalité deux fois plus important que ceux où au moins un partenaire extériorise.(Le Monde du 25 janvier 2008)

Voilà une bonne nouvelle ! Et plusieurs en seront déculpabilisés !
Ces vitamines de longévité se servent souvent au petit déjeuner entre le bol de café et la tartine au miel. « Chérie, j'ai rêvé à toi. C'est curieux, il me semble que tu n'avais pas tous ces kilos ! Ah, que nos fiançailles étaient belles ! ». De quoi lui donner l'envie d'envoyer, au fond de la poubelle, le pot de miel vers lequel s'étale sa gourmandise ! Mais la bonne volonté de l'épouse n'est pas en échec, il faut bien veiller sur la longévité du mari : « N'oublie pas que nous sommes invités ce soir. J'ai mis ton costume au pressing ! Pense à le prendre au retour. Comme cela, pour une fois, tu n'auras pas l'air de sortir de la friperie d'Emmaüs et peut-être pourrons-nous arriver avant le dessert, chez ma cousine ».

Il y a diverses sortes de vitamines : certaines ont une saveur de citron : « Chérie, c'est fous ce que tu me fais penser à ta mère ». D'autres un goût d'amandes amères « A qui tu rêves, quand tu as les yeux dans le vague et que tu m'embrasses sur la joue ? A Carla Bruni, peut-être ! ». D'autres tentent vers l'absinthe : « Tu ne sais pas ce qu'est qu'un boulot d'homme. Moi, je travaille, toute la journée ! Je ne fais pas uniquement agiter la soupe et déplacer la poussière ». D'autres sont enrobées de poivre noir « Parce que moi, je ne travaille pas, peu-être. Tu sauras que même une bonniche, ça travaille !

Du miel au citron, des amandes amères à l'absinthe, on en arrive au chlorure de potassium ou même au cyanure ! « Je me pose, de plus en plus, une question : est-ce que je t'ai vraiment aimée ? Tu ne m'attirais pas tant que cela, tu sais » « Est-ce ma faute à moi, si enfin, j'ai trouvé ce j'ai toujours désiré ? » « Tu es bien gentille... mais... ! ». Ou alors, modèle féminin : « Tu ne m'as jamais respectée ! Tu n'as toujours pensé qu'à toi ! Tu n'as cherché que ton plaisir ! C'est fini ! Je ne suis plus ta bonne femme ».

Sur cette dernière scène, le rideau tombe ! Et souvent, il ne se relèvera plus ! L'amour meurt, mais les acteurs continuent de vivre ! Les bruits cessent, le silence s'installe, les coeurs se ferment, les bouches se taisent, les gestes s'effacent, les corps s'éloignent. L'absence devient présente. On n'habite plus avec soi-même, encore moins avec l'autre. Reste peut-être un vague parfum du souvenir, une mélodie d'arrière-plan. Même le passé se noircit ! Le présent tourne au rouge !

La dispute peut permettre de se « défouler », mais au prix d'un poison qui risque insidieusement de tuer ce qu'elle prétend vivifier. On commence par ces petites ironies qui blessent comme un délicieux coup d'éventail sur un vase de porcelaine. Mais le vase se fêle ! Et la sève de l'amour fuit goutte à goutte. L'amour est fort comme la mort, pourvu qu'on ne le blesse pas. Ce qui le blesse, c'est l'accumulation de ces sortes de vitamines. À force d'en prendre, on devient sur-dosé et l'énergie vitale d'un amour qui croit et qui espère se dissipe dans le jaillissement des éclairs de la colère. Les mots deviennent alors des blessures, les blessures des plaies et les plaies suppurent !

Alors quoi ? Il faut apprendre à renoncer à la dispute ! Aux reproches, aux coups d'ironie qui « font du bien » ! Aux insinuations qui dressent le lit du soupçon ! À ces coups d'épingle qui font jaillir un peu de sang ! À ces bruits de langue qui dissimulent la vengeance ! À ces surdités diplomatiques qui détournent le coeur de l'attention ! À ces regards qui fuient la vérité !

Mais c'est impossible ! Sans vitamines on ne peut pas vivre ! Peut-être ! Mais l'amour qui accepte le dialogue, l'attention, l'ouverture du coeur, la parole réfléchie, la mise en commun des différences, contient en lui-même les vitamines qui le fortifient. Pourquoi en chercher à l'extérieur de lui, dans les « alchimies » des troubles de la dispute ?

Retrouvez l'article dans son contexte et les commentaires des lecteurs directement sur le blog d'Aline Lizotte, docteur en philosphie à l'adresse : http://www.asso-afcp.fr/blog.php